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Les Fausses abandonnées

Les Fausses abandonnées
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2 mars 2007

Patrisia Ydrissi, intro

Patrisia Ydrissi est une jeune professeur de français, amoureuse d'un documentaliste de dix ans son aîné. Cette relation n'a abouti qu'avec les efforts persistants du prétendant. Et aujourd'hui, le couple découvre à quel point ils étaient faits pour être ensemble...

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2 mars 2007

Patrisia Ydrissi, 1/22

Ah ! Le vendredi est toujours jour de délivrance. La dernière sonnerie de la journée sonne et a un effet magique sur mes élèves. Ils sont encore derrière leur bureau mais leur esprit est déjà hors du collège. Ils sont tellement contents d'être en week-end qu'ils en oublient instantanément le texte de Ronsard avec lequel je les ai bassinés pendant une heure. Ils ne s'excitent pas comme des animaux en cage, bien au contraire, leur joie est sereine. C'est d'autant plus frappant et agréable que c'est la seule fois où je les ai dans un tel état. Ils font un tel tapage d'habitude que, sans attendre mon autorisation, sans même attendre que je finisse mon cours, ils s'approprient la décision de quitter la classe et je n'ai jamais la force de les en empêcher. Mais les vendredis, c'est différent. Ils savent que c'est l'heure de partir, mais guettent quand même mon point final pour commencer à ranger leurs affaires et sortir. Aucun empressement, aucun cri, seulement des rires silencieux... Ils savourent jusqu'au passage du portail extérieur la perspective de cette petite liberté. Toutes les rancunes envers celle qui leur a flanqués des salles notes, celle qui les ennuie parfois, tout ça disparaît. La sonnerie du vendredi indique que le collège est terminé, et que la prof un peu chiante redevient une femme plutôt sympa en fin de compte. Même Djad, lui qui m'a particulièrement désespérée tout à l'heure avec sa lecture hachée du poème, me sourit en quittant la classe en dernier. 
 Mais si eux montrent une certaine réserve dans leur plaisir, on ne peut pas dire que je sois aussi respectable. Aussitôt que Djad est hors de vue, je ne prends pas le temps de classer toutes les feuilles volantes qui traînent sur mon bureau, je les jette en vrac dans ma sacoche. Pas besoin de faire le tour des fenêtres pour fermer les volets, ils le sont déjà à cause du soleil. Un petit coup d'interrupteur pour les lumières, un petit tour de clé, et l'affaire est dans le sac. La vue de deux jours de repos ne donne pas seulement des ailes aux élèves.
 L'usage voudrait que j'aille dans la salle des profs, que je bavarde un petit quart d'heure avec quelques collègues, avec lesquels j'échangerais quelques civilités avant de m'éclipser. Je ne dis pas que j'ai horreur de cette petite réunion mondaine. Il y a des profs que j'apprécie énormément et avec qui j'aime bien discuter. Mais j'ai eu toute la semaine pour le faire, et je ne suis pas quelqu'un qui aime parler pour ne rien dire. Et puis surtout, le vendredi est sacré, avec notamment ce besoin pressant de m'éloigner d'ici et de couper toute attache à ce qui fait la vie du collège. Néanmoins je ne peux pas m'empêcher de faire un petit détour par le CDI. Je frappe à la porte et appuie sur la poignée, mais le verrou résiste. Killian finit à quatre heures, il est donc normal de trouver porte close.
 Sur le parking, je persiste à chercher des yeux

la Polo

de Killian, espérant bêtement qu'il aurait été retenu au collège. Mais je ne vois ni lui ni sa voiture. Killian et moi sommes ensemble depuis trois mois et, alors qu'au début j'étais plutôt réticente vis-à-vis de cette relation, je me surprends à être de plus en plus amoureuse de cet homme. Il a dix ans de plus que moi, il est divorcé, il a une calvitie naissante, c'est un fumeur impénitent, et il est passionné par le cinéma de Bollywood. Mais ce ne sont pas ces caractéristiques qui m'ont séduite. C'est plutôt sa persévérance, sa maturité, son respect pour moi. Il lui a quand même fallu plus de six mois pour que j'accepte de dîner avec lui. Et j'ai consenti un jour de déprime, un jour où j'avais besoin de compagnie plus que de discours amoureux. Mais en sautant le pas, j'ai découvert un autre monsieur. J'ai découvert un gentleman, un homme attentionné et intéressant. Je m'étais rendue à ce rendez-vous par désespoir, et j'en suis ressortie follement éprise. Dès le début les collègues n'ont pas cessé de nous narguer. Au départ, ils se moquaient de Killian et de son entêtement, mais quand ils ont compris que la situation s'était renversée, les langues se sont apaisées. 
 Pourtant, dieu sait que je n'étais pas la dernière à le trouver insignifiant ! Il s'obstinait à attirer mon attention et moi je faisais la sourde oreille. J'avais un peu honte. C'est bête à dire... Mais j'avais du mal à digérer que le seul homme dans le collège qui voyait en moi un objet de désir fut ce bibliothécaire sans attrait. Et c'est peu dire à quel point je le trouvais quelconque, car je ne l'ai remarqué qu'un long mois après la rentrée lorsque j'ai amené une classe au CDI. Il est resté caché derrière son bureau pendant toute l'heure, ne m'adressant pas la parole, mais ses regards l'ont trahi. Je me suis tout de suite sentie gênée. Et puis très vite, son jeu de séduction s'est mis en place... petits mots dans mon casier, bouquets de fleurs déposés discrètement dans ma classe. Tous les vendredis il persistait à m'inviter boire un verre, je refusais systématiquement. Qu'aurait-on donc pensé de moi si j'avais accepté ? Car personne n'était dupe. En toute amitié, il y a des profs qui s'invitent entre eux. Mais entre Killian et moi, la proposition était équivoque, et tout le monde le savait. Killian ne faisait rien en coulisse, et à force d'obstination, il était devenu sujet aux moqueries. Il m'a dit depuis que c'était son affection pour moi qui lui avait donné le courage de supporter tout ça. Il croyait dur comme fer que tôt ou tard je cèderai. Et sa patience a eu raison de mon indifférence.

2 mars 2007

Patrisia Ydrissi, 2/22

Un vendredi du mois de mars, alors que je venais de finir de corriger les rédactions des troisièmes et que, malgré toute ma meilleure volonté, je n'avais réussi qu'à mettre deux notes au-dessus de la moyenne, un énorme coup de blues m'avait assommée. Je me sentais tellement inefficace, tellement inutile. Qu'est-ce que je pouvais bien apporter à ces élèves, si ce n'était des notes catastrophiques ? Je ne suis quand même pas payée pour les saquer ! J'aimerais tant les juger sur leur comportement, sur leur désir d'apprendre, plus que sur leur orthographe et leur expression écrite ! L'état des lieux était vraiment désespérant... Et c'est dans cet esprit que Killian est venu me trouver pour perpétuer son invitation hebdomadaire. Je me sentais d'humeur à livrer mes angoisses à cet homme si acharné à me plaire. Nous avons été aussi surpris l'un que l'autre par ce changement, lui par la réalisation de son souhait, et moi par ma faiblesse à céder. Je me suis laissée entraîner au restaurant. Pendant tout le dîner, il n'a jamais orienté la conversation sur ses sentiments, il m'a écoutée faire le bilan de mes quelques mois de professorat. Il glissait parfois quelques mots de réconfort, mais vraiment à aucun moment il n'a essayé de profiter de la situation pour me sortir le grand jeu. Il s'est montré doux, attentionné et délicat, et j'ai découvert un homme particulièrement charmant. A la fin de la soirée, après avoir déversé toutes mes inquiétudes, je me sentais allégée et, même si j'ai eu du mal à l'admettre, séduite.
 Après cette soirée, mes neurones étaient en perpétuelle dispute. Devais-je, oui ou non, succomber totalement au charme de Killian ? Qu'est-ce que j'obtiendrai au final si je continuais à résister ? Qui étais-je pour ne pas laisser sa chance à un homme qui cachait autant de belles choses ? Pendant toute la semaine, j'ai évité soigneusement de croiser Killian, j'ai même annulé un atelier avec mes sixièmes au CDI, j'ouvrais mon casier avec appréhension. Or Killian, comme s'il avait compris que j'avais besoin de temps pour réfléchir à l'avenir d'une éventuelle relation, s'est fait le plus discret possible. Personne au collège n'a remarqué ce changement d'attitude, et j'aurais d'ailleurs eu du mal à partager mes hésitations avec des gens aux sarcasmes faciles. Et puis vendredi est venu, et avec lui une petite enveloppe dans mon casier. L'écriture serrée de Killian disait que, si mes sentiments pour lui avaient évolué, je pourrais le trouver le soir-même devant le cinéma place Engie, mais que si ce n'était pas le cas, il cesserait toute nouvelle tentative d'approche et me laisserait tranquille, sans m'en vouloir. Il s'est montré galant jusqu'au bout, m'attribuant les rênes de sa destinée. A moi seule appartenait la décision de poursuivre l'aventure ou d'y mettre un terme. J'avais eu toute la semaine pour réfléchir, j'avais même appelé ma sœur Anamee au secours, et elle m'avait fait comprendre que je n'avais rien à perdre. Finalement, la balance penchait plus du côté consentement. Alors j'y suis allée. Ce n'est pas la résignation qui a guidé mes pas, ce n'est pas avec fatalisme que j'ai sorti ma plus belle robe et que j'ai pris soin dans le choix de mon rouge à lèvre, j'étais vraiment décidée à séduire. Quand je suis arrivée en face du cinéma, je suis restée un instant derrière le volant de ma voiture. Je regardais Killian, il faisait les cent pas et guettait d'un air anxieux les passants. En le voyant ainsi, je me suis alors dit que j'avais pris la bonne décision. Je l'ai rejoint, timide mais convaincue, et c'est main dans la main que nous sommes allés voir Swades.

2 mars 2007

Patrisia Ydrissi, 3/22

Voilà toute l'histoire ! Pendant deux mois, tout est resté clandestin. Et puis, le secret a été découvert, à la grande surprise de ceux qui croyaient que Killian avait perdu tout espoir. Depuis une semaine, on ne cesse de venir me voir et de me féliciter. Alors que depuis le début, les gens se rangeaient plutôt de mon côté pour dénigrer les sentiments de Killian, maintenant je n'entends que des marques d'estime, et c'est moi que l'on blâme d'avoir attendu aussi longtemps. Allez savoir ce qui les a fait changer d'avis ? La vérité, c'est que mes collègues sont suffisamment respectueux pour être hypocrites et pour s'adapter à n'importe quelle situation. Leur attitude n'est pas mesquine, elle se nourrit seulement du peu qui se passe autour d'eux. Et j'en fais autant quand il s'agit des autres. Mais c'est vrai que Killian et moi, on a fait pas mal jaser !
 Mais trêve de souvenir ! En cette fin de journée estivale, débarrassée de mes élèves, et pressée d'aller faire ma valise, je rentre chez moi. Demain, à la première heure, Killian m'emmènera à

La Rochelle

pour sillonner la ville qui l'a vu grandir. C'est autant la perspective d'une visite guidée intimiste que celle d'un week-end en amoureux tranquille et reposant qui me rend euphorique. J'ai tellement besoin de retrouver la quiétude et l'insouciance de l'existence, de voir la mer, de flâner avec l'homme que j'aime.
     Quand j'ouvre la porte de mon appartement, la fraîcheur préservée par les stores baissés sèche les gouttes de sueur qui commencent à perler le long de mon corps. La porte est à peine refermée que j'envoie valser mes escarpins. Après c'est au tour de mon déguisement de prof stricte, une jupe beige mi-longue avec sa veste assortie et un top en soie tout simple. L'austérité du personnage s'en va à mesure que les vêtements tombent à mes pieds. Ma sacoche est abandonnée sur le canapé, et ne bougera probablement pas avant lundi matin... J'ai du mal à comprendre comment j'ai pu devenir aussi distante vis-à-vis de mon travail. Mes débuts étaient si optimistes ! Je me souviens du plaisir et de la fierté que j'avais ressentis en préparant mon année ! J'avais même été jusqu'à me croire capable de rénover l'enseignement... Il ne m'a pas fallu longtemps pour redescendre sur terre. La première rédaction, un petit texte libre sur les vacances, un petit test discret pour évaluer le niveau, m'a vite donné un aperçu de l'ampleur du travail qu'il y avait à l'horizon... Quelle que soit la classe, tout était à reprendre. Je n'avais pas prévu un tel retour en arrière et mon programme s'est brisé en même temps que mes illusions. J'ai du m'adapter, et ranger au placard mes rêves d'innovation. J'ai du réviser mon barème, et j'ai appris à me satisfaire du moindre progrès, un zéro en dictée valant mieux qu'un zéro moins trente-six... J'ai même été tentée plusieurs fois de monter mes notes, écœurée par celles perpétuellement en dessous de la moyenne, et touchée par les efforts de mes élèves. Mais ma conscience me disait que non, elle me murmurait que je ne leur rendrais pas service en m'apitoyant ainsi. Qu'est-ce que mon métier me rend triste parfois ! Comme je regrette d'être aussi lâche quand il s'agit de me battre pour mon rêve de petite fille ! Toute ma carrière est devant moi, et je suis déjà fatiguée rien que d'y penser ! Est-ce que c'est normal ? Je ne cesse de me poser la question, je me demande même s'il ne serait pas trop tard pour changer d'orientation.

  

2 mars 2007

Patrisia Ydrissi, 4/22

Mais je n'ai pas envie de ressasser tous mes doutes avec Killian. Il ne fera rien pour m'en empêcher, je le sais bien, mais franchement... se prendre ainsi la tête alors que nous sommes censés passer un merveilleux week-end, ce n'est pas le programme idéal. C'est donc pour cela que j'ai décidé de ne mettre dans ma valise qu'un esprit libre, une âme amoureuse, et un magnifique ensemble de lingerie noire... Ces deux jours seront entièrement consacrés à Killian. D'ailleurs ce soir, j'ai du mal à tenir en place. Je ne sais pas ce qui me rend aussi peu détendue, mais je ne cesse de gigoter partout dans mon appartement. Une vraie gamine impatiente comme pour son premier rendez-vous ! A plusieurs reprises, j'hésite à prendre le téléphone, et à composer son numéro. Je suis absolument sûre qu'il ne m'en voudra pas de déranger sa solitude, au contraire... Mais à chaque fois, je repose le combiné d'un geste tranchant. Contrôle-toi, Patrisia ! Sois patiente ! Et les retrouvailles seront d'autant plus agréables ! 
 Comme je me surprends à être aussi futile ! Même quand j'avais quinze ans, je n'étais pas aussi puérile. Et pourtant c'était l'âge des premières amours, des émotions inconnues, de l'angoisse et de l'enchantement mêlés pour la beauté de l'adolescence. Et là, à bientôt vingt-six ans, je me retrouve dans la même position que celles de mes élèves. C'est vraiment une situation déconcertante ! Surtout que Killian n'est pas le premier homme dans ma vie. Encore si c'était le cas, mon regard immature serait justifiable. Il n'y a en effet pas d'âge pour pénétrer le monde obscur de l'amour ! Mais mon histoire est toute autre. J'ai eu pas mal de prétendants, tous plus séduisants, plus aimables les uns que les autres. Je ne saute pas sur le premier venu, j'ai souvent de longs intervalles entre deux amants, ce sont rarement de simples aventures, mais au bout de quelques mois, trois au plus, je me lasse. Je n'ai jamais rien investi dans ces anciennes conquêtes. Leur seul avenir était de devenir de chouettes souvenirs, rien de plus. C'est sans doute la facilité et l'inconsistance de ces relations qui me rendent vierge de toute histoire sérieuse. Mon expérience amoureuse n'a aucune valeur face à ce que je ressens pour Killian. J'ai tout à apprendre. Quand je jette un regard vers l'avenir, il n'y a plus de trou noir, la vision est encore floue certes, mais elle s'éclaircie. Parfois je m'amuse même à signer madame Audeline, et j'imagine des petits Killian sous mes jupons... Je suis une vraie gamine et j'adore ça ! Au plus profond de moi, je sais que Killian est celui que j'attendais. Et je ne peux pas aller plus loin dans les explications, c'est comme ça, c'est tout.

 Le seul regret que j'ai, c'est de l'avoir mal traité au début. Je m'en veux terriblement de m'être laissée influencer par le jugement des autres et par cette aversion infondée. Quand je pense que j'ai eu honte de ses regards, que j'ai été au bord du mépris ! C'est atroce rien que d'y penser. Je me sens tellement fautive... Ce sentiment trouble mon plaisir, et c'est très frustrant. Pour lui comme pour moi car Killian est quelqu'un de très intelligent, de très intuitif. Il pénètre chaque parcelle de mon âme, il pressent le moindre changement d'humeur. Je ne peux rien lui cacher. Et en même temps je ne trouve pas forcément gênant le fait d'être un livre ouvert, d'être décelable dans des recoins où je n'aime pas m'aventurer. Car ce qui me caractérise depuis que je suis toute petite, c'est une grande réserve, c'est cette capacité très vivace à refouler des tas de choses. Aucun des hommes qui jusqu'ici ont essayé de percer mes secrets n'y est parvenu, même mon père, même mon frère. C'est donc une grande nouveauté d'être en face de quelqu'un qui possède la clé de tout ça. Killian me réconforte avant même que j'émette une plainte. Et même quand il s'agit de lui directement, il sait trouver les mots pour que je me sente mieux. La dernière fois que je lui ai fait part de ma mauvaise conscience vis-à-vis de nos débuts, il m'a dit ces mots :

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2 mars 2007

Patrisia Ydrissi, 5/22

- " Tu as fait durer le plaisir, Patrisia. Peut-être que si nous n'avions pas attendu aussi longtemps, et bien peut-être que nous n'en serions pas là aujourd'hui. Ton recul nous a permis de mieux nous préparer et d'être ce que nous sommes aujourd'hui, c'est-à-dire aussi amoureux qu'il est possible de l'être."
 Que répondre à cela ? Où ranger les remords lorsque l'on donne raison aux pires agissements ? Mon âme avait été insatiable et j'avais demandé, voulant à tout prix que Killian reconnaisse mes tords :
 - " Mais tu sais à quel point je me suis montrée odieuse !
 - Odieuse ? Non, pas du tout. Tu n'as pas répondu à mes sentiments, c'est tout. Je ne crois pas que ça fasse de toi une femme odieuse ?
 - Tu as persévéré malgré mon obstination à t'éviter...
 - Je ne t'ai pas non plus harcelée. Seulement quelques petites attentions par-ci, par là, juste pour que tu n'oublies pas. "
 J'étais restée incrédule devant ce discours si enclin à ne porter aucun mauvais jugement. Il n'en avait pas fallu plus pour que Killian me relance sur ce terrain :
 - " Il ne faut pas que tu penses que je t'en veux pour quoi que ce soit. Ce n'était pas le bon moment, c'est tout. Et je suis bien content d'avoir attendu quelques mois, parce que ça valait le coup... "
 Que dire de plus ? Dès le début, Killian m'a tenu ces propos. Mais ils ont hélas un tout petit champ d'action. Ils rassurent pendant deux-trois jours, et puis leur effet s'estompe jusqu'à disparaître et avoir besoin d'un autre sermon. C'est drôle à dire, mais c'est un peu comme une drogue. Pour me sentir bien, j'ai besoin d'entendre Killian me dire inlassablement que j'ai tord de m'en vouloir. Et en même temps, j'ai peur que cette exigence ne nuise à notre relation. Il va vraiment falloir que je fasse attention si je ne veux pas que Killian s'agace.
 Et ce week-end sera un bon exercice. Je laisse ici dans mes placards tout ce qui pourrait compromettre ces deux jours. Et si je ne suis pas capable de tenir ma langue, ou d'éviter que Killian ait à déceler une quelconque ou même infime angoisse, et bien il faudra peut-être que je mette un terme à notre relation... Je ne supporterais pas de lui faire plus de mal.

 

     Nous passons le dernier péage aux alentours de midi. Nous sommes partis à sept heures ce matin et c'est moi qui ais pris le volant en premier. Killian m'a remplacée à partir du moment où les paysages lui étaient plus familiers. Je me retrouve maintenant assise à ses côtés, à observer le décor et à absorber ce qu'il me raconte. Les anecdotes qu'il joint à la description rendent le spectacle particulièrement plaisant. Killian me fait partager ses souvenirs de telle manière que j'ai l'impression d'en faire partie. On ne parle pas à n'importe qui du petit lapin blessé que l'on avait, il y a bien longtemps, ramassé sur cette route pour le soigner. Cette confidence anodine, c'est comme un droit de passage, ou plutôt la faveur qui mène à la nature profonde de quelqu'un.
 Lorsque j'aperçois enfin le panneau qui indique que nous entrons dans

La Rochelle

, je trépigne d'impatience. Je suis excitée comme une petite fille à qui l'on a promis un voyage comme celui d'Alice au pays des merveilles. Ce n'est pas seulement la découverte d'une contrée nouvelle, c'est aussi la découverte de moi-même. Depuis que je suis avec Killian, je vais de surprise en trouvaille dans tout ce que je ressens. Avant, tout ce qui avait trait aux sentiments amoureux me paraissait terne, banal, et n'était accompagné d'aucun bouleversement secret. Et là, la seule apparition du panneau d'agglomération me transporte dans un univers insoupçonné. Killian s'amuse de mon état. Il rit de me voir ainsi, aussi émotive, aussi agitée. Il pose sa main sur ma cuisse, et je me retourne vers lui. L'âge commence à tracer des marques sur son visage. Je caresse sa joue, et passe mon doigt sur la jolie fossette qui révèle une vie riche en plaisirs. Comme un diamant, elle est incrustée à jamais. J'adore la caresser. Apaisée, je ramène ma main vers moi. Mais Killian la rattrape aussitôt pour la porter à ses lèvres :

2 mars 2007

Patrisia Ydrissi, 6/22

- " On est bientôt arrivé. "
 Nous passons à côté d'une grande place de marché, bouillonnante de monde, assourdissante par les cris des commerçants que je perçois même la vitre fermée. Lorsque nous nous éloignons et que je remarque les écriteaux qui indiquent les plages, j'ouvre ma fenêtre. Depuis le début du voyage, l'air climatisé nous a empêchés de souffrir de la lourde chaleur. Mais maintenant que l'océan se rapproche, j'ai une grande envie de respirer l'air frais de la côte. Je baisse donc ma fenêtre, et une brise étouffante s'immisce dans la voiture. Killian ronchonne à côté, je le vois prêt à remonter ma vitre avec sa commande :
 - " Ne fais pas ça, Killian. S'il te plaît... "
 Il capitule. Je sors un peu la tête de la voiture. Le vent chaud me frappe sans délicatesse mais j'y reconnais le souffle de l'océan. C'est l'odeur des algues séchant au soleil, des marées et du sable mouillé, des vagues et de leur écume, des rochers habités par les coquillages. Ce sont tous mes souvenirs de colonie de vacances qui me reviennent. Mes parents n'étaient pas particulièrement attirés par la mer, et lui préféraient la montagne. Mais par souci culturel, ils nous envoyaient tous les ans, mes sœurs, mon frère et moi, en colonie. Nous avons ainsi parcouru pratiquement toutes les plages de l'Atlantique, du nord au sud, en passant bien sûr par

la Charente. J'y

ai connu des tas d'amoureux, des tas d'amis, j'y ai fait des tas de bêtises, j'y ai appris des tas de choses. Ces vacances étaient toujours de purs moments de bonheur, de ces expériences qui marquent à jamais une vie. Mais depuis que j'ai arrêté les colonies, vers l'âge de seize ans, je n'ai jamais plus foulé de sable chaud. Les études, les petits boulots d'été, les vacances en famille dans les Alpes, tout concourrait à m'éloigner de la mer. Avec l'homme que j'aime, je savoure avec délectation ces retrouvailles. Quand ma tête est pleine d'iode, je referme la fenêtre et retrouve le confort de l'air climatisé. Cela fait bien longtemps que je ne me suis pas sentie aussi bien.
 Mais les souvenirs cessent lorsque Killian se gare en face d'une dune. Il y a peu de voitures sur ce parking sauvage, quatre ou cinq, pas plus. Un groupe de jeunes descendent de l'une d'elles, et sortent du coffre serviettes, ballons, radio, pack de bières. Ils n'ont pas l'air méchant, ce ne sont que des ados qui viennent s'amuser avant leurs révisions, et ils ont bien raison. De notre côté, Killian met le pare-soleil tandis que je vais chercher la glacière dans le coffre, et mon sac de plage. Pique-nique, serviettes, crème solaire, chacun ses besoins... Killian me rejoint et je me laisse guider vers un petit passage discret qu'il semble bien connaître. Aussitôt la dune passée, l'océan nous fait face avec une majesté éblouissante. Tenant Killian par la main, je sens qu'il est aussi ému que moi. Un même frisson nous parcourt tous les deux, et c'est délicieux. L'endroit est magnifique, une petite crique à la beauté sauvage et naturelle. Il n'y a que des gens d'ici qui peuvent connaître ce genre d'endroit. M'y emmener vaut toutes les déclarations d'amour...

 Sous un pin, nous nous installons et nous mangeons. Je ne sais pas si le pique-nique est réputé pour être romantique, mais je le ressens comme tel. De toute façon, tout ce que je fais avec Killian prend des allures de rêve qui se réalise. Même un simple pique-nique... Il y a une telle complicité entre nous, une compatibilité si évidente que j'en perds tous mes repères. Avec lui, je me sens plus mature, et avec moi, Killian paraît retrouver ses vingt ans. Assise entre ses cuisses, nos corps agglutinés par la sueur et la crème solaire, le déjeuner dérive en un érotisme délectable. Mais nous restons corrects, et l'envie est refoulée. Nous nous contentons de mâchonner nos sandwichs et de piocher dans les chips.

2 mars 2007

Patrisia Ydrissi, 7/22

Mais une fois que la glacière est vide, j'entraîne Killian dans l'eau. J'en prends l'initiative, et c'est pourtant lui qui plonge le premier. Je suis impressionnée de le voir aussi courageux, surtout quand mes pieds goûtent avec réserve la température de l'eau. Nos jeux sont ceux de deux ados, nous nous éclaboussons, nous nous coulons, nous nous coursons. Nous nous éloignons tellement de la plage qu'il arrive un moment où nos pieds ne touchent plus le sable. Je nage pour rejoindre Killian car je n'aime pas trop cette sensation de vide, je n'aime pas l'aspect opaque de l'eau qui empêche de voir quoi que ce soit. Je retrouve l'apaisement dans les bras de Killian. Il m'attrape avec toute la force de ses mains et sans un mot me les glisse sous mon maillot. Éloignés de tout regard, la situation est propice à toute proposition indécente. Au moment où une vague nous soulève, il m'ôte le bas de mon maillot et l'enfile sur son bras. Presque en apesanteur, je lui entoure les hanches de mes jambes. Tant bien que mal, Killian montre une certaine habileté à me faire l'amour ainsi. Baisers fougueux, parfois immergés, quelqu'un muni de jumelles devinerait sans difficulté ce que nous sommes en train de faire. C'est ça d'ailleurs qui donne du piment à l'acte... Il n'y a vraiment qu'avec lui que je me sens capable de faire des choses aussi dingues. Avant, j'étais plutôt du genre timide, passive. Mais maintenant, sous l'égide d'un homme d'expérience, mes inhibitions disparaissent.  
 Grisés par le plaisir, et par le parfum de la mer, nous nous laissons porter par les vagues, et nous échouons sur la terre ferme. Et c'est avec le sourire un peu béat que nous remontons jusqu'à nos serviettes. Nous nous allongeons, et nos corps frissonnent encore de nos caresses marines. Killian ne peut s'empêcher de passer sa main sur mon dos, l'effleurant du bout de l'ongle, et il sait parfaitement quel effet a sur moi ce genre de caresses. Je ne résiste pas longtemps à l'envie de l'enlacer mais avec retenue, car la mère de famille à côté nous observe le regard lourd de désapprobation. Ou peut-être nous envie-t-elle, elle qui a l'air de se consacrer davantage à ses enfants qu'à sa libido. Mais Killian et moi nous ne sommes pas des animaux, nous savons rester correct, du moins le sommes-nous quand la situation l'oblige.
 Nous restons couchés ainsi pendant une petite heure, les yeux mi-clos, alanguis par le voyage, par la chaleur, par le désir assouvi mais jamais éteint... Et puis Killian se redresse, se penche au-dessus de moi et me murmure qu'il est temps d'y aller. Je serais bien restée encore quelques heures, pour dorer ma peau si peu habituée aux rayons du soleil, mais je sais que Killian a des tas de choses à me montrer. Visiter tous les lieux chers à son enfance requiert un temps précieux...

 Le petit préambule à la plage m'a d'autant plus mise en appétit qu'une fois sur le parking, Killian me confie que cet endroit est celui où sa famille venait, et vient encore, se baigner. Ses parents y avaient d'ailleurs organisé leur fête de mariage, c'est pour dire à quel point les Audeline sont attachés à cette plage. Maintenant que je sais ça, maintenant que je me rends compte de la symbolique du lieu, j'ai la sensation étrange de ne pas seulement être venue ici en invitée. Je ressens plus cela comme une initiation, comme le désir de Killian de me faire entrer plus profondément dans sa vie, de me montrer qu'il y a une place pour moi. Si je ne lui correspondais pas, s'il n'avait pas confiance en moi, aurait-il pris le risque de divulguer la tradition familiale en me conduisant dans ce coin de paradis ? Jamais je n'ai été aussi importante pour quelqu'un, et cette impression m'effraie un peu. Et si je n'étais pas à la hauteur ? Et si tôt ou tard je le décevais ? Je suis malheureuse quand je commence à douter ainsi. Je me pose trop de questions. Avant, je ne m'inquiétais pas autant, je vivais des histoires sans trop me prendre la tête, sans m'empêtrer de projets d'avenir. Or aujourd'hui, le sérieux de ma relation avec Killian, la tournure qu'elle prend avec ce petit voyage, me trouble et m'amène à des réflexions que je n'ai pas l'habitude d'avoir. Et si Killian allait en profiter pour me demander en mariage ! Il en serait bien capable... Oh mon dieu ! Il faut que je calme mes méninges. Killian a repris le volant et se dirige vers le centre ville. Il faut que j'arrête de penser à tout ça, ça ne me rend pas réceptive à ce que raconte Killian. Et s'il pense que je suis trop distante, il va vouloir savoir pourquoi et je ne pourrais rien lui cacher. Il ne s'agit pas de faire semblant d'être attentive, je le suis sincèrement, mais je dois seulement chasser mes interrogations.

2 mars 2007

Patrisia Ydrissi, 8/22

Killian conduit dans cette ville avec une aisance incroyable. Il semble connaître intimement les routes, leurs sinuosités et leurs secrets. Un touriste se perdrait dans ce méandre d'indications, dans cette multitude de ronds-points et de ruelles, moi-même, qui ne possède aucun sens de l'orientation, je m'y perdrais. Je ne sais pas si mon air égaré l'amuse, mais j'ai l'impression que son retour au pays, son besoin de se rapproprier la ville l'accapare au point de me désorienter involontairement. C'est étrange tout de même, l'expression sur le visage de Killian est celle d'un expatrié foulant sa terre natale après des années et des années d'exil. Or je sais très bien que ce n'est pas le cas, Killian revient ici aussi souvent qu'il le peut. Je crois d'ailleurs que ses parents et sa sœur habitent dans le coin et qu'il a gardé des relations avec pas mal d'amis d'enfance. Il est souvent invité dans la région à des anniversaires, des mariages, des baptêmes. Il n'a jamais abandonné sa ville et les liens qui l'attachent à elle sont si forts que ce doit toujours être avec une émotion intense que Killian y est accueilli. Il est si beau quand il est attendri comme ça, et c'est beau de pouvoir partager ça avec lui.
 Il est cinq heures et demi lorsque la visite en voiture prend fin. Killian m'a tout montré, tous les lieux qu'il a foulé, qui lui sont chers, qui ont participé à le rendre tel qu'il est aujourd'hui. Le nombre d'anecdotes va en grandissant, et Killian lui-même s'étonne de voir revenir autant de souvenirs. Tu m'inspires, il n'arrête pas de me dire ça, cette ville veut absolument que tu saches tout de moi. Il me sourit comme un enfant qui tendrait à sa maman son cadeau de fête des mères. Sa joie, sa confiance, elles le rendent si beau. Killian est un homme que j'admire beaucoup, mais je l'ai rarement vu avec une aussi belle assurance, avec toutes ces étoiles dans les yeux. J'ai du mal à croire que ce soit moi qui fasse naître cet air céleste et enthousiaste. Il ne cesse de me répéter que c'est la première fois qu'il ressent autant de bonheur à faire visiter sa ville. Ce serait flatteur de le croire, mais ne suis-je pas la seconde ? N'a-t-il pas fait la même chose, par le passé, avec son ex-femme ? Je sais que ce n'est pas quelque chose que l'on raconte à sa maîtresse, mais Killian n'a jamais été très bavard quant à son mariage. Je sais seulement qu'il a duré deux ans, qu'elle s'appelait Thia, et que c'est elle qui a demandé le divorce. Je n'ai jamais su pourquoi. J'essaie de ne pas trop y penser, j'essaie de suivre l'instinct qui me dit qu'avec moi, Killian repart à zéro, et que Thia est définitivement hors de sa vie. Je n'ai pas trop de mal à vivre avec l'idée que je ne suis pas la première femme de Killian, car l'amour de Killian me fait ressentir comme telle. En fait, s'il y a bien un sujet qui ne doit pas poser de doute, c'est bien celui-là. Je respecte le souvenir de Thia, et je respecte le silence qui rôde autour de la rupture. Tôt ou tard, quand Killian le décidera, il me mettra au courant.

 Pour l'heure, Killian et moi sommes descendus de voiture pour nous balader un peu. Le chemin que nous longeons s'appelle

la Promenade

océane. Elle borde la mer et offre une vue magnifique. A gauche, les vagues remontent avec la marée, recouvrent la plage comme un drap pour la nuit. Le ciel est encore clair mais les étoiles s'invitent déjà. A droite s'élèvent de hautes maisons aux volets abîmés et fermés, on dirait de petits châteaux. Killian m'explique qu'il n'y a que de riches étrangers qui peuvent se permettre de venir ici qu'un mois sur l'année. Pointant du doigt un toit qui dépasse des pins, il me dit que c'est Marla Ivanie, une célèbre cantatrice allemande, qui en est propriétaire, et que ses voisins ne viennent jamais en vacances en même temps qu'elle à cause des nuisances sonores.

2 mars 2007

Patrisia Ydrissi, 9/22

La journée m'a exténuée. Je tiens la main de Killian comme je pourrais m'agripper à une canne. Killian par contre ne donne aucun signe d'épuisement. Comme quoi la fatigue n'a rien à voir avec l'âge... Et puis je ne me suis même pas rendue compte que nous avions fait demi-tour. Ma tête est posée sur l'épaule de Killian, la position n'est pas forcément confortable pour marcher, mais qu'importe, elle est si romantique. Nous remontons dans la voiture, le soleil est encore visible mais le ciel s'obscurcit. Killian emprunte une route escarpée et s'éloigne de la ville. Je ne sais rien de notre destination, Killian installe autour d'elle un silence plein de mystère. Mais je suis trop fatiguée pour jouer aux devinettes, j'ai même les yeux qui se ferment d'eux-mêmes :
 - " Tu as l'air fatiguée. Si tu veux, on peut aller directement se coucher. On ira au restaurant demain midi, c'est pas un problème."
 Ni une ni deux, je me redresse sur mon siège. Ce qu'il vient de dire m'a donné un coup de fouet :
 - "
Ça en serait un pour moi. ça ira, ne t'en fais pas. C'est vrai que je suis un peu fatiguée, mais je prendrai un petit café là-bas, et ça ira.
 - Tu es sûre ?
 - Absolument ! "
 Un virage plus loin, près d'une falaise, une grande bâtisse apparaît. Des lampions de toutes les couleurs dansent autour d'une pancarte où j'arrive à lire le nom de l'hôtel-restaurant, Le Kemal.
 - " On y est, Patrisia. Tu vas voir, tu vas adorer. "

 On descend de la voiture et je suis surprise de voir qu'au même moment le soleil commence à disparaître à l'horizon. Une jolie terrasse est aménagée devant l'établissement, juste en face de l'océan. On n'aurait pas pu trouver plus bel endroit pour admirer le coucher du soleil. En fait, on ne voit pas vraiment la mer, à cause de la falaise, mais on la devine grâce au bruit des vagues claquant la roche. J'ai commandé un café, Killian un demi. La journée a été longue et n'a pas ménagé mes émotions. Un doux silence entoure notre table, et se propage partout sur la terrasse. Les gens observent tous le spectacle qu'offre le soleil, la lenteur de sa trajectoire participe à l'apaisement général. Si un jour on m'avait dit que je serais aussi ébahie par un coucher de soleil, je ne l'aurais pas cru... Toute cette sensibilité à fleur de peau me dépasse. Est-ce que c'est la fatigue qui renforce cette impression, ou bien suis-je réellement différente de celle que j'ai l'habitude d'être ? Mon père avait peut-être raison lorsqu'il m'a dit l'autre jour qu'il me trouvait changée, qu'il voyait enfin sa grande fille épanouie. J'étais trop gênée pour l'approuver. J'ai toujours eu beaucoup de mal à parler de ce qui se passait dans ma tête et dans mon cœur. Dès qu'il s'agit d'exprimer de vive-voix mes pensées, je m'embrouille et devient incohérente. Comment aurais-je donc pu expliquer à mes parents ce que je ressentais avec Killian lorsque moi-même je ne peux me l'expliquer ? Ce soir, je regarde l'homme à mes côtés, et je comprends qu'il ne faut pas chercher à rendre intelligible ce qui ne peut pas l'être. L'amour, si on le dissèque, perd toute sa valeur et sa fraîcheur.

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Les Fausses abandonnées
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