Dana Everyne 21/26
Il n'y a rien à la télé. C'est triste à dire, mais même s'il est vingt-et-une heures trente, je me sens attirée par mon petit lit douillet. J'ai envie d'être aspirée par les rêves, de réaliser dans l'imaginaire ce qui me paraît impossible en ce bas monde.
La mi-août est infernale, les journées de canicule se suivent et
se ressemblent. Aujourd'hui en particulier, je ne sais pas pourquoi,
mais la chaleur m'est insupportable. On est jeudi après-midi, et pas de
coup de fil de Madame Ouissal. Plus l'horloge tourne, et plus je suis
dévorée par le défaitisme. Ce matin, je me suis levée sans mauvais
pressentiment, je ne suis pas sortie de mon lit du pied gauche. Mais à
partir de dix heures, je ne pouvais plus tenir en place. Tous les
quarts d'heure je vérifie que mon portable est bien allumé, qu'il est
bien sur le mode sonnerie. Ce midi, grand-père m'a glissé deux ou trois
mots d'encouragement, me répétant que si ça doit arriver, ça arrivera,
et que si ça ne marche pas, c'est que quelque chose de mieux m'attend.
Il veut se montrer gentil, mais mes nerfs ne répondent plus. Ils
envisagent déjà le pire, et c'est dur à supporter. Mais le pire, c'est
quoi ? Que l'on me dise non ? Si je croulais sous les demandes, je m'en
ficherais, or ce n'est pas le cas. Je n'ai reçu que des réponses
négatives, ou alors carrément pas de réponse. Ce n'est pas très
encourageant, tout de même ? Faudra peut-être que je me fasse une
raison ... Je vais habiter dans l'impasse de grand-père encore un bon
bout de temps...
Mais là, je bouillonne. Je bouillonne
d'impatience, je mijote dans la fournaise atmosphérique. Je n'ai rien à
faire, je n'en peux plus. Assise en tailleur sur mon lit, je fais le
tour de ma chambre du regard à la recherche d'une idée. Des livres,
encore des livres. Si j'en lis un de plus, je vais faire une overdose.
Dans son aquarium, Chekne semble lui aussi tourner en rond. Mais ce
n'est qu'un poisson, il ne doit pas se rendre compte de l'inutilité de
sa promenade, encore moins celle de son existence, piètre décoration
fanée. Futile comme je le suis actuellement, j'irai bien faire comme
Chekne, des longueurs dans un bassin. La piscine, lieu idéal pour se
rafraîchir le corps et les idées. Et si j'emmène ma crème solaire, je
pourrais même fignoler mon bronzage.
Mais arrivée sur le bord du
bassin, je suis prise de stupeur. Les gens sont collés les uns aux
autres, il n'y a pas une once de place par terre pour une serviette
supplémentaire. Dans l'eau, les mémés côtoient les bons nageurs, ce qui
crée d'affreux embouteillages dans toutes les lignes, des tas d'enfants
éclaboussent sans état d'âme les mamans avec leur bébé. Ce sont partout
des cris, des pleurs, des rires. Ce n'était peut-être pas le lieu idéal
pour chercher la tranquillité ! Je suis vraiment bête de ne pas y avoir
pensé. Bien sûr qu'avec cette chaleur, tout le monde se donne
rendez-vous à la piscine ! Tant pis, j'y suis, j'y reste. Et à
l'instant où j'aperçois une dame entreprenant de ranger ses affaires
pour s'en aller, je me dirige aussitôt vers elle pour réserver sa
place. Je n'ai pas l'intention de rester debout. Je veux m'allonger.
Merci, madame.