Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Les Fausses abandonnées
Les Fausses abandonnées
Derniers commentaires
29 décembre 2006

Nicole Vivek 3/16

Peut-être n'ai-je aucun talent. J'ai abandonné les cours de danse trop tôt pour savoir ce que je valais. Ce que je sais, je l'ai appris toute seule, et il n'y a que mon fidèle miroir qui puisse me dire si c'est bien ou pas. Mes parents ne m'ont jamais interdit les cours de danse, ils m'ont seulement imposé un soutien scolaire particulièrement intensif. Et les deux se combinant difficilement, il a fallu sacrifier quelque chose. Toujours est-il que maintenant, je suis une danseuse frustrée, une fille qui est obligée d'exprimer sa passion dans son salon et certainement maladroitement. Mais peut-être que je gâche mon génie...
    En tout cas, au jour d'aujourd'hui, alors que je m'étire, j'apprécie les regards que l'on porte sur moi. Je ne cherche pas à savoir ce qu'ils signifient. Peut-être ai-je l'instinct de la grande danseuse toujours sous les projecteurs, toujours offerte au regard du public. Mais mes rêves restent dehors lorsque je rentre dans ma voiture et que je ferme la portière. Quand je sors du parking, le ciel déverse instantanément une pluie torrentielle. Ma vie est comme ça, providentielle, et sans surprise.

    La semaine s'est déployée avec calme et volupté... Et même si je n'arrive pas à adorer mon boulot, je le fais avec autant de professionnalisme que possible, mais sans débauche d'énergie. Tous les matins, je traîne les pieds, j'ouvre mon bureau avec le sentiment amer de perdre mon temps. Je fais ce qu'il y a à faire, j'essaie d'être la meilleure, et j'y arrive sans trop de difficulté. Le minimum m'octroie la préférence du patron, préférence purement professionnelle. Les autres me respectent parce que je fais du bon boulot, et parce qu'ils croient que je m'épanouie dans ces méandres de paperasses. Je ne peux pas dire que je déteste mon boulot, mais de là à dire que je l'adore ! Par moment, je ressens un tel ennui ! Je sais bien qu'il y a des tas de gens qui ont un job par simple souci financier, pour payer les factures et les courses. Je sais bien que je ne suis pas la seule au monde à ne trouver aucun plaisir dans son boulot. Je sais bien qu'il y en a qui envient mon salaire. Je n'ai pas le droit de me plaindre. Mais si seulement ils savaient que j'échangerais volontiers tout ça contre la liberté de danser !
    Tout ça étant, je ne suis pas là pour ressasser ma semaine. C'est justement pour évacuer toutes les tensions du cabinet que je viens courir ici. Si je m'éloigne de chez moi, c'est un peu pour m'éloigner de mon quotidien, alors finies les pensées noires ! 
    Il a plu toute la nuit. Je respire cette odeur particulière de terre mouillée qui me rappelle les promenades familiales au bois de Vincennes. Il fait frais. Ça fait à peine cinq minutes que je suis partie et je sens déjà mes joues en feu. Il y a des jours comme ça où on ne se sent pas très courageuse. J'ai eu du mal à me sortir du lit ce matin. J'ai même failli me convaincre que faire une exception ne me serait pas fatal. Mais j'ai fini par faire taire cette petite voix mielleuse, et c'est avec poigne que j'ai enfilé ma tenue. Manquer mon rituel ! Que je sois maudite si je deviens paresseuse ! Alors me voilà, fraîche et dispos, frissonnante sous une température pas très généreuse. J'aperçois le pont d'Irwyn, je n'ai même pas fait la moitié...

Publicité
Commentaires
Les Fausses abandonnées
Publicité
Publicité