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Les Fausses abandonnées
Les Fausses abandonnées
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13 décembre 2006

Samantha Karmel 9/9

    Le bar est pratiquement plein, un peu moins que d'habitude peut-être, mais la charge de travail reste importante. Malgré cela, vers onze heures, Eliyah vient me voir et approche à nouveau ses lèvres de mon oreille :
    - " Puisque tu es enfin réveillée, comme je peux le constater, je pourrais peut-être te présenter un admirateur...
    - Tu plaisantes ? Qui c'est ?
  - Ben, Paul-Emil bien sûr ! Mais ça ne m'étonne pas que tu ne l'aies pas remarqué, vu que tu n'as jamais eu les yeux en face des trous...
    - C'est pas vrai !
    - Bien sûr que si c'est vrai. Il veut t'offrir un verre...
    - Je ne peux pas, j'ai mon service...   
  - Écoute joli cœur, c'est moi le patron ici. Alors si je te dis que tu peux y aller, c'est que tu peux y aller, d'accord ! A moins que tu ne veuilles pas... mais j'avais cru que...
    - Ça va, ça va. J'y vais. Merci."
  Je me sers une Adelscott, j'ai la main qui tremble. Eliyah, qui me surveille attentivement, un sourire au coin des lèvres, me désigne du doigt la table où est assis le fameux Paul-Emil. Mais ce qu'Eliyah ne sait pas, c'est que j'avais déjà remarqué ce jeune homme depuis pas mal de temps. Ses jeans et ses vestes de survêtement, ses cheveux rasés comme à l'armée, son rhum-coca. J'avais senti ses regards, mais j'étais trop gênée pour y répondre. Ce soir c'est différent, tout est différent. Je suis la même, et en même temps j'ai changé. Et s'il m'invite malgré ça, c'est que je lui plais telle que je suis, mystérieuse et ondoyante.
    - " Bonsoir. Je peux m'asseoir ?
    - Bien sûr, Samantha. Je ne demande que ça !"
Sam_01   Jusqu'à minuit, je ne décolle pas de ma chaise. Je lui dis des tas de choses sur moi, il me parle de lui, je ris. Et pendant tout ce temps, je ne peux me débarrasser des frissons qui me parcourent tout le corps comme une décharge électrique. C'est finalement Eliyah qui doit nous mettre à la porte, car moi, sur mon étoile, j'en oublie le temps, l'espace, j'en oublie même de l'aider à ranger la salle. Paul-Emil me raccompagne jusqu'à chez moi. Et puis je me souviens de toutes ces scènes de baiser au cinéma, celui que l'on fait pour se séparer. Je me dis que ce ne serait peut-être pas une bonne idée de l'embrasser, que c'est trop tôt, trop rapide... mais quand il en prend l'initiative, je me laisse faire avec délice. Le reste de la nuit est tout aussi délectable. Ses mots doux, ses mains qui réveillent un corps effarouché, un corps amnésique de tout plaisir sexuel. J'avais oublié la jouissance de deux corps qui s'emmêlent avec autant d'ivresse et de chaleur. La découverte de l'autre, si intime ! C'est une révélation pour tous les deux, après tant d'attente et de désir ! Je m'endors dans ses bras, épuisée et embrasée d'amour. L'amour est peut-être encore un grand mot, mais j'ai bien envie de réapprendre à vivre avec... Comment ai-je pu attendre aussi longtemps ?

    Je sais où je me trouve. La patte sur mon épaule me réveille, mais je ne crois pas que réveiller soit le terme exact. Je suis dans ce semi-songe que je n'attendais pas si tôt.
    - "C'est déjà l'heure ? Juste au moment où...
  - Juste au moment où la vie devenait plus attrayante. Mais as-tu bien compris qu'elle l'a toujours été ? Qu'il n'y avait qu'un pas à franchir pour le voir ? C'est vrai que c'est dommage...
    - N'y a-t-il pas un moyen pour contrer ma mort ?
  - J'espérais que tu me poserais la question. Quand je t'ai donné le défi de vaincre ton mal-être, je ne pensais pas que tu allais te démener ainsi. Si ce fut une révélation pour toi, ce le fut aussi pour mon amie la vie et pour moi-même. Ton erreur a été de te punir sans raison, mais aujourd'hui tu as montré de la force, de la volonté, du courage. J'aime ce que tu es devenue. Et puis, je ne vais pas te cacher que je n'avais pas prévu d'emporter deux âmes...
    - Deux âmes ?"
    Le tigre a disparu. J'ai compris. Une nouvelle vie grandit en moi.

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