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Les Fausses abandonnées
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2 mars 2007

Patrisia Ydrissi, 10/22

Le café m'a fait du bien. Je me sens prête à repartir. Mais au lieu de se diriger vers la voiture Killian m'entraîne à l'intérieur du restaurant. La première chose qui me frappe, c'est l'éclairage, l'éclairage à la bougie. De vrais lustres à bougies sont accrochés au plafond, chaque table a son chandelier, chaque couvert a son bougeoir, quatre énormes miroirs ornent les murs et chacun d'eux possèdent leur parterre de bougies de toutes les formes, de toutes les couleurs. C'est quelque chose de très impressionnant. La chaleur, la virtuosité, la luminosité sombre des flammes me donnent un souffle au cœur. Mais ce qui est d'autant plus étrange, c'est que ce tableau me rappelle l'appartement de Killian, non pas qu'il s'éclaire uniquement à la bougie, mais il a lui aussi un grand miroir avec la même myriade de couleurs. Néanmoins je ne m'attarde pas trop sur la coïncidence. Un vieux monsieur aux joues bien roses s'approche de nous et tend la main à Killian.
 - " Méziene, je te présente Patrisia, mon amie. Patrisia, je te présente Méziene, le patron du Kemal.
 - Enchantée. C'est vraiment un bel endroit que vous avez là. De toute ma vie, je n'ai jamais rien vu d'aussi surprenant.
 - Merci bien. Mais attendez, vous n'avez pas encore goûté la cuisine de ma femme. "
 Et tout en bavardant, il nous fait traverser la salle et nous installe à sa meilleure table, c'est en tout cas ce qu'il prétend. Méziene semble être quelqu'un de très volubile, mais ses gestes bourrus trahissent une certaine timidité. Je n'arrive pas à définir ce qui me fait penser ça, mais plus je l'observe et plus je décèle un malaise. Killian aussi, dans sa façon de répondre à Méziene, paraît quelque peu troublé. C'est une impression infime, mais quand mon intuition parle, j'ai l'habitude de l'écouter. J'attends que Méziene, une fois les cartes tendues, ne s'éloigne pour demander à Killian si tout va bien.
 - " Oui, bien sûr. Pourquoi ?
 - Je ne sais pas, je te trouve nerveux.
 - Non, je t'assure, tout va bien. Peut-être que la journée m'a un petit peu fatigué moi aussi.
 - C'est vrai qu'elle a été plutôt mouvementée.
 - Qu'est-ce que tu as préféré ?
 - Alors là ! C'est difficile à dire ! J'ai ressenti en une journée ce que je n'ai jamais ressenti en vingt-six ans. Ce que j'ai préféré ? Peut-être de savoir qu'il existait en ce monde quelqu'un capable de me donner autant de bonheur.
 - C'est vrai ? Tu crois que j'ai ce pouvoir ?
 - Cela ne fait aucun doute.
 - Et tu ne penses pas que tu y ais pour quelque chose ? Je ne fais que te rendre la monnaie de ta pièce. On est fait pour faire le bonheur de l'autre, c'est pas plus compliqué que ça.
 - Ah, c'est sûr que si tu vois les choses comme ça ! Je vais vraiment commencer à croire que tout ça n'est qu'un rêve.
 - Dis-toi que ça l'a été, et qu'il devient réalité... "
 Il a une façon de parler, ce type ! C'est dingue. Il manie les mots de telle sorte que tout ce qui sort de sa bouche devient poétique. Je ne suis pas professeur de français pour rien, et ma sensibilité romanesque vibre à chaque fois que Killian prononce un mot. Il maîtrise à la perfection la beauté du verbe et son pouvoir de séduction. C'est quand même beau d'être la muse de quelqu'un.

 Méziene est revenu pour prendre notre commande. Il me conseille le rouget grillé à la menthe. J'adore le poisson, j'adore goûter de nouvelles choses, alors j'acquiesce. Killian est moins hardi avec son steak-frites. Une fois les plats apportés, et nos assiettes entamées, Killian me demande comment je trouve l'endroit.

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