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Les Fausses abandonnées
Les Fausses abandonnées
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29 décembre 2006

Nicole Vivek 14/16

- " Bon, ben, les filles, je vous laisse. Soyez sage ! Surtout toi, ma puce... "
    Il enfile son blazer, fait un geste à Lahlou et passe la porte. Il disparaît aussitôt dans l'obscurité de la nuit. Le bar ne désemplit pas. Un petit silence s'est installé, suffisant pour percevoir un bourdonnement, un bruit de fond qui me rappelle ce que Séleste m'a dit ce matin Bar la journée et boîte la nuit. Mais c'est Jalila qui démarre au quart de tour :
    - " Bon, maintenant qu'on s'est débarrassé de lui, on descend ? J'ai envie de danser, pas vous les filles ? A côté, Nicole, il y a une cave qui fait discothèque, un truc un peu rock.
    - Rock ! Arrête, tu vas lui faire peur ! La musique est super, et c'est tout ce qui compte... On y va ? "
    Nilani se dépêtre de son gilet et dévoile un minuscule haut à paillettes, un de ces trucs que l'on met uniquement pour faire la fête. C'est donc ce qui se prépare... Chacune à leur tour, les filles enlèvent un vêtement pour montrer leur tenue d'apparat. Heureusement que j'avais prévu le truc... Je ne fais pas tâche avec ma chemisette ocre et légèrement transparente. 
    Plus la soirée passe, et plus je découvre une nouvelle Séleste. C'est elle qui m'a offert de rentrer dans son cercle. C'est elle qui devrait diriger mes pas, puisqu'il y a des choses qui me sont encore inconnues. En arrivant ici, je pensais retrouver l'amie qui m'écoute et qui se confie à moi sur le banc, celle en qui j'ai découvert une confiance inhabituelle. C'est alors d'autant plus stupéfiant que là, loin des sentiers de la Seine, il n'y a plus ce lien invisible entre elle et moi. Sans m'abandonner complètement, Séleste me laisse seulement faire ce que je veux avec ses amis. A ce stade, je ne suis qu'une amie, rien de plus. Ce n'est pas elle qui me prend le bras pour descendre les escaliers, ce n'est avec elle qui m'invite sur la piste de danse. Elle est là, mais les autres aussi. Elle m'a intégrée dans son groupe, à moi maintenant de me débrouiller. Cette indépendance ne m'est pas désagréable, au contraire. Devant Séleste, je n'arrive pas à me lâcher complètement, alors que face à Komal, je m'abandonne à d'agiles chorégraphies. Elle est plus séductrice, plus provocatrice que moi, mais à nous deux, on enflamme carrément le dancefloor. On en met plein la vue, et ce n’est pas les regards émoustillés et impressionnés qui manquent. C'est fou comme on peut se lâcher lorsqu'on a un public ! Tous les mouvements que je répétais toute seule devant mon miroir font finalement un bel effet. La musique, même si ce n'est pas celle que j'ai l'habitude d'écouter, m'entraîne, me dirige comme un maître de marionnettes. L'euphorie qui m'envahit n'est pas celle de l'alcool, je suis grisée par la liberté que je sens naître en moi. Je ne suis pas une accoutumée des boîtes. Avec mes amis, on a plutôt tendance à organiser de sages dîners à la maison ou au resto. Ce sont des soirées super sympas, je ne dis pas le contraire, mais c'est différent, ça n'a rien à voir.
    Séleste est assise dans un coin, discutant avec un gars qu'elle ne m'a pas présenté. Parfois elle me jette un coup d’œil et me sourit, mais je ne suis pas son centre d'intérêt. Et moi, je ne sens aucun remords à négliger celle qui m'a fait connaître cet endroit. Je ne sais pas si j'aurais l'occasion de revenir ici, alors j'en profite au maximum.
    Néanmoins, lorsque l'heure de la fermeture sonne, il faut bien se résoudre à abandonner la place. Mais on a du mal à se faire à l'idée de remonter les escaliers et de retrouver l'air frais de dehors. Pour l'instant, on est toutes réunies autour d'une petite table, tapies juste au-dessous d'une boule à facette, affalées et éreintées. Personne ne dit mot, et tout le monde sirote un dernier verre, un jus de pamplemousse pour moi. La salle est vide, la musique a baissé le volume, et les employés commencent à sortir les balais. Ce devrait être le signe du départ, mais personne ne fait mine de se lever. Et je ne me sens pas l’audace de mener la marche. C’est finalement Séleste qui claque des mains et qui se dresse de toute sa grandeur pour annoncer le départ. Comme de bons petits sujets, on la suit.

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