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Les Fausses abandonnées
Les Fausses abandonnées
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29 décembre 2006

Nicole Vivek 13/16

Il est dix heures et demie lorsqu'un garçon ouvre la porte et la tient pour laisser passer trois filles. Je suis alors assise au fond de la salle avec Séleste, un deuxième verre posé sur la table. Des tas de clients sont venus à notre table pour saluer Séleste et lui glisser deux ou trois mots à l'oreille. Parfois, elle m'a présentée, mais pas toujours. L’aisance qu’elle dégage me gêne plus qu’elle ne me fascine. Je ne me sens pas chez moi. J'ai le sourire crispé, et je n'arrive pas à me laisser aller. Qu'est-ce que ça va être quand les amis de Séleste vont arriver ? C'est en me posant cette question que j'aperçois dans le miroir le groupe des quatre qui, après avoir salué Lahlou, se dirigent bruyamment vers nous. Et malgré leur tapage, Séleste ne semble pas les entendre. Elle est trop captivée par ce qu'elle me raconte, et par ce que je n'écoute que d'une oreille. Elle est si captivée que, lorsque le garçon s'approche sur la pointe des pieds, un doigt sur la bouche à mon intention et qu'il lui plante les deux mains dans les côtes, elle sursaute brusquement et fait tomber sa chaise :
    - " Bon sang, Habib ! Tu n’as pas passé l'âge de faire ce genre de connerie !
    - Oh, ça va, ça va, Séleste ! Fais pas ta queen ! Tu ne nous présentes pas ? Où sont passées tes bonnes manières ? "
    Le dénommé Habib prend place à côté de moi, et me donne de petits coups de fesse pour s'asseoir confortablement. Il est plutôt grand, le cou et le visage allongé, des cheveux noirs frisottants, et ce magnifique sourire qui fait le charme des Arabes. Pendant ce temps, les trois filles attrapent chacune une chaise pour s'installer autour de la table. Séleste attend patiemment que tout le monde soit assis pour faire les présentations :
    - " Avec toi Habib, les bonnes manières ne servent à rien... Non, je plaisante, Habib est le plus gentleman que je connaisse. Alors les amis, je vous présente Nicole. Nicole, je te présente Habib, Jalila, Nilani et Komal. "
    Un échange de salut résonne autour de la table. La convivialité des nouveaux arrivants m’enlève toute appréhension. Lahlou s'approche du groupe avec un plateau plein de boissons et un bol de cacahuètes. Le barman connaît les habitudes de chacun et c'est avec un clin d’œil qu'il dépose devant moi un troisième kir.
    Komal, une métisse volubile avec un cheveu sur la langue, semble être la plus bavarde. Elle me pose quelques questions et, une fois que les présentations se sont précisées, elle entreprend de raconter sa semaine. Les anecdotes fusent, les rires s'élèvent. Le sirop à la pêche commence à faire son effet, et je me surprends à prendre part à la conversation sans aucune timidité, comme si je retrouvais des amis de longues dates. Les autres ne s'en offusquent pas le moins du monde et, si j'étais venue avec la peur de me sentir intrus, je me sens complètement adoptée. Séleste n'est plus mon unique intérêt. C'est avec Jalila que je compare mes impressions recueillies lors d'un voyage au Sénégal, pays de ses racines.
    A minuit, l'ambiance n'a rien perdu de sa gaieté initiale. Je note seulement que Habib a du mal à se retenir de bâiller. Séleste l’interroge :
    - " T'as l'air fatigué, Habib !
    - Ouais, c'est vrai. J'ai encadré une compétition de tennis aujourd'hui, et je suis nase. Je ne vais pas tarder à rentrer. "
    Il se lève en s'appuyant comme un grand-père, fait le tour de la table pour faire la bise à chacune d'entre nous. Mais quand il arrive à Jalila, ce n'est pas sur la joue qu'il dépose ses lèvres, mais sur la bouche. C'est dingue, quand même ! Je n’avais même pas remarqué qu'ils étaient ensemble ces deux-là !

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