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Les Fausses abandonnées
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29 décembre 2006

Nicole Vivek 12/16

Le silence s'installe, le temps de s‘étirer convenablement. Et puis Séleste me lance un coup d'épaule et fait mine de partir :
    - " Alors Nicole, on dit vers neuf heures au Jammy ? T'auras pas trop de mal à trouver, c'est à deux pas de l'opéra, dans la rue Saint Marc.
    - Ok, j'y serai. A ce soir alors !
    - A ce soir ! "

    Je n’ai pas l'habitude de conduire au cœur de Paris, mais je me défends. Et j'ai à peine repéré le Jammy que, deux cent mètres plus loin, une voiture garée s'insère dans le trafic et me laisse une jolie place bien large pour ma petite Twingo. Si la soirée continue comme ça, c'est prometteur ! Le quartier vibre de lumière et de mouvement humain. Des tas de gens flânent, rentrent et sortent des boutiques encore ouvertes, les plus élégants se dirigent vers l'opéra. Les trottoirs sont tellement étroits qu'on marche en file indienne, c'est marrant. On sent que le quartier se réveille. Tout semble au ralenti, et en même temps, l'éclairage public crée une énergie toute particulière.
    Quand je passe devant la vitrine du Jammy, je m'arrête un instant pour jeter un coup d'œil à l'intérieur. Je suis obligée de me serrer contre la vitre pour laisser passer les piétons derrière moi. J'aperçois Séleste assise près du bar, une assiette de frites devant elle, pointant sa fourchette d'un geste provocateur vers le barman. Le garçon, un Antillais avec un bandana jaune fluo sur le crâne, s'esclaffe et montre par la même occasion un diamant sur une dent de devant.
    J'ouvre la porte et enclenche un petit tintement de cloche au-dessus de ma tête, à peine audible tant le vacarme de la salle est saisissant. L'odeur des cuisines, la chaleur humaine, les voix et les rires, tout ça me fait l'effet d'entrer dans une autre sphère. Tout le monde semble se connaître ici, et je me sens intimidée par les regards curieux que l'on me lance. Néanmoins, je m'approche du bar et m'y accoude près de Séleste :
    - " Salut ! "
    Elle a encore la bouche pleine de frites et me fait signe de patienter. Ses yeux à eux-seuls expriment la jouissance de cette bouchée ! Elle mâche lentement, avale le tout avec délicatesse, boit une gorgée d'eau et, seulement après s’être essuyée la bouche, elle me fait face :
    - " Oh, Nicole ! T'es venue, ça me fait plaisir ! T'as mangé ?
    - Oui, oui. "
    En fait non, mais j'ai l'estomac noué et la vue de son assiette pleine d'huile me dégoûte un peu :
    - " Mais je prendrais bien un verre, un kir, un kir à la pêche ?
    - Lahlou ! Un kir pêche pour Nicole, s'il te plaît ! Lui, c'est Lahlou, l'associé de mon frère. Lahlou, je te présente Nicole, une amie de courte date. "
    Lahlou, le barman, m’apporte mon verre. Et contre toute attente, il me fait la bise :
    - " Bienvenue au Jammy, Nicole ! Les amis de Séleste sont chez eux ici. A force de les amener tous ici, on va faire faillite, mais bon... comme on peut rien lui dire...
    - Arrête de faire le pingre, Lahlou ! Alors, Nicole, t'as pas eu de mal à trouver ? Mes amis sont pas encore arrivés, mais avec eux, il faut toujours compter avec au moins une demi-heure de retard. Je finis mon assiette, et on se prend une table, ok ? "
    J'ai du mal à la reconnaître. Sans doute parce qu'elle n'est pas en survêtement, mais ce sont surtout toutes les petites pinces-papillons qu'elle a dans les cheveux que je trouve bizarre. Elles lui donnent un petit côté gamine un peu ridicule, un peu fière aussi. On sent bien qu’elle est la princesse des lieux...

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